Un entretien avec Nathan Crouzet, garde forestier
Par Magali Guyon
Garde forestier, Nathan Crouzet a fondé l'association Fire Lord qui pratique bénévolement l'écobuage au bénéfice de petits exploitants agricoles, forestiers et pastoraux. Nous l'avons rencontré lors de la journée mondiale des zones humides organisée par Nostà mar à laquelle il contribue depuis 4 ans. Nathan nous explique les dessous de cette pratique ancestrale appelée aussi "débroussaillement par le feu". L'écobuage d'après lui la technique la plus respectueuse des sols, de la faune et de la flore. Pourtant, elle est incriminée pour ses émissions de CO2 et de particules fines.
Fils de forestier, j'ai toujours travaillé avec le feu, c'est une technique ancestrale. Nous avons fondé l'association Fire Lord avec d’autres forestiers, à la fois passionnés par la maîtrise du feu et très sensibles aux questions environnementales. Nous sommes une jeune équipe, la moyenne d'âge des bénévoles est de moins de 20 ans. Nous pratiquons des brûlages hivernaux pour les petits exploitants de moins de 4 à 5 hectares. Souvent, l'écobuage est pratiqué par les exploitants sans déclaration à la mairie et n’est pas bien sécurisé par manque de moyens et de maîtrise pour la surveillance du feu et son extinction ; les exploitants se font déborder par le feu, l'écobuage devient un feu de forêt et provoque des fumées toxiques.
La majorité des gardes forestiers sont salariés de l’ONF (Office national de forêts) et interviennent dans le domaine public, mais une minorité travaille à titre privé. Dans ce cas, les gardes forestiers sont avant tout des techniciens qui ont fait des études en école forestière. Ils peuvent également faire une formation spécialisée pour avoir des pouvoirs de police sur la propriété pour laquelle ils sont mandatés.
L’écobuage consiste à brûler des végétaux sur pied. Il participe au maintien des paysages ouverts et à la conservation de la biodiversité et joue indirectement un rôle dans la prévention des feux forêts contre les incendies. Il existe deux types de pratique : l’écobuage autonome et le brûlage dirigé. Le brûlage dirigé est réalisé par des pompiers et des gardes forestiers de l’ONF (Office national des forêts) pour la DFCI (Défense de la forêt contre les incendies). Les exploitants peuvent pratiquer eux-mêmes l’écobuage autonome à condition de le déclarer et de mettre en place les mesures de sécurité. Ils arrivent malheureusement assez souvent que des exploitants se fasse déborder par le feu. C’est aussi la raison d’être de notre association : pratiquer l’écobuage de manière sécurisé.
Nous avions prévu de faire des écobuages en février et mars, malheureusement, certains exploitants ont fait des écobuages qu’ils n'ont pas contrôlé et des feux de forêt ont pris. Il y a donc eu un arrêté préfectoral pour interdire tout écobuage sur une période encore indéterminée. Nous ne savons pas si nous allons pouvoir faire les écobuages prévus en février et en mars.
" Nous intervenons pour une gestion durable de l'entretien des terres des exploitants. "
Oui, nous nous demandons comment conserver les bonnes pratiques mais aussi comment les moderniser. Nous sommes conscients que l'écobuage est une technique néfaste pour la qualité de l'air et donc pour l'environnement. En revanche, c'est à ce jour la meilleure technique pour entretenir les forêts, les sous-bois, et toutes les activités forestières, pastorales et agricoles. Vis-à-vis de nos clients, nous ne nous contentons pas de pratiquer l'écobuage, nous mettons en œuvre une grande pédagogie pour leur expliquer les risques et les avantages : pourquoi pratiquer l'écobuage et pourquoi faire appel à des professionnels. Nous intervenons pour une gestion durable de l'entretien des terres des exploitants.
En premier lieu, il est obligatoire de déclarer l’écobuage à la mairie. Cette déclaration permet également d’avoir un historique des pratiques d’entretien des espaces, essentielles à l’analyse du milieu en amont : comment a été entretenu le terrain ? Est-ce qu’il y a déjà eu des écobuages les années précédentes ou des interventions mécaniques ? Cette connaissance de l'histoire du terrain est absolument essentielle pour savoir comment pratiquer un écobuage. Le problème que l'on rencontre souvent, c'est que nous ne savons pas qui sont les propriétaires de certains terrains, or, sans leur accord, nous ne pouvons pas intervenir sur leurs parcelles, elles sont ainsi délaissées, laissées à l’abandon.
Milieux sous cloche, milieux fermés et réouverture des milieux
Notre travail consiste à ré-ouvrir les milieux. Il y a eu un grand délaissement des milieux forestiers à l'époque de l'exode rural post deuxième guerre mondiale. Les forêts se sont épaissies, or trop d'ombrage engendre un appauvrissement des sous-bois et le développement d'essences invasives comme le ciste. Ces essences sont peu valorisables pour les activités humaines, et parce que très pyrophiles, elles favorisent les feux notamment dans le Sud de la France. Par ailleurs, elles appauvrissent la biodiversité endogène au milieu. Pour bien entretenir des espaces favorables à l’exploitation humaine et respectueuse de l’environnement, il est essentiel de conserver les exigences premières : avoir des sols qui se régénèrent et ne pas provoquer de risques aux alentours. Certaines pratiques des politiques actuelles ont un effet inverse à la protection de l'environnement qu'elles sont censées apporter. C'est l'exemple du massif des Maures qui a été mis sous cloche à l'été 2021. Il a été quasiment interdit de mener tout entretien du Massif dont l'interdiction d'entretenir les embroussaillements des maisons, mais en revanche, il était toujours possible d'aller se promener sur le massif. Plusieurs maisons ont brûlé.
« Le feu est un très bon serviteur, mais un très mauvais maître »
Pour les exploitants, le premier avantage est avant tout économique. Un débroussaillage mécanique coûte de 0 0,15€ le mètre carré à 0 0,25€ le mètre carré contre 0,02€ à 0,05 € le mètre carré pour les écobuages.
Par ailleurs, notre proverbe pour notre association est « le feu est un très bon serviteur, mais un très mauvais maître » ; autrement dit, et de façon plus consensuelle, « le feu est un très bon outil, mais un très mauvais maître. » Il faut savoir le contrôler et le mettre à notre service, sans jamais savoir s'il nous écoutera totalement. Les feux en période hivernale, s’ils sont bien prescrits, ne vont pas abîmer le sol qui est brulé sur 1 à 2 pouces contre jusqu'à plusieurs dizaines de centimètres avec les systèmes de débroussaillage mécanique.
D’autre part, avec l’écobuage, des opérateurs à pied apportent le feu alors que dans le système du débroussaillage mécanique, il faut faire venir des machines souvent équipées de chenilles. Les chenilles et le poids des machines abîment voire détruisent le sol.
Par ailleurs, la chaleur produite par l'écobuage favorise une germination plus précoce des mycéliums et des graminées qui sont ensuite accueillis par le printemps, d'où la grande importance de ne pas faire d'écobuage en début d'hiver et milieu d'hiver. L'écobuage se pratiquent en fin d'hiver afin que les essences ainsi germées prématurément ne soient pas tuées par le gel. La cendre produite par les écobuages vient également nourrir le sol.
Enfin, c'est une solution plus pérenne. En effet, les techniques de broyage et de coupage laissent des racines contrairement à l'écobuage. On peut ainsi passer de 8 à 12 ans sans ré-intervention sur le milieu avec les écobuages contre 4 à 5 ans avec les techniques de broyage et de coupage.
" Si l’écobuage est aujourd'hui néfaste pour la qualité de l'air, c'est parce qu’il y a beaucoup trop de production d'émissions de CO2 par nos modes de vie, nos modes de consommation, nos modes de production. Il est dommage que ce soit aujourd'hui l'écobuage qui en fasse les frais. Nous sommes tout à fait ouverts et curieux et avons envie de discuter avec les autres acteurs de l’environnement et notamment les acteurs de la qualité de l’air pour réfléchir à de meilleures pratiques. "
Comme je vous l'ai dit, nous sommes très attentifs aux questions environnementales et très preneurs de bonnes pratiques qui bénéficient à l'ensemble du système climatique terrestre et atmosphérique. L'écobuage génère effectivement du CO2, mais en soi ce n'est pas une mauvaise chose. Les feux naturels ont toujours existé et ils participent de l'écosystème climatique car les plantes ont besoin de CO2. En revanche, avec les problématiques de réchauffement climatique actuel, cette technique de d’écobuage est mise en cause parce qu'elle génère des pollutions de l’air ambiant et atmosphérique.
Par ailleurs, si ces pratiques aujourd'hui sont néfastes pour la qualité de l'air, c'est parce qu’il y a beaucoup trop de production d'émissions de CO2 par nos modes de vie, nos modes de consommation, nos modes de production. Il est dommage que ce soit aujourd'hui l'écobuage qui en fasse les frais.
La pratique de l'écobuage subit également le réchauffement climatique. En effet, les saisons hivernales sont de plus en plus courtes, nos fenêtres pour intervenir sont donc également de plus en plus courtes.
Cependant, cette pratique est aujourd'hui la seule pratique qui nous semble respectueuse de la biodiversité, de l'écosystème des milieux sur lesquels on travaille et nous n'avons donc pas aujourd'hui de solution alternative pour entretenir les terrains. Mais nous sommes tout à fait ouverts et curieux et avons envie de discuter avec les autres acteurs de l’environnement et notamment les acteurs de la qualité de l’air pour réfléchir à de meilleures pratiques et à comment allier les choses.
L’écobuage est une pratique extrêmement ancrée chez les exploitants. Ce que nous apportons avec notre association, c'est un brûlage raisonné. Un exploitant a fait appel à notre association pour pratiquer l’écobuage cet hiver. En 2018, cet exploitant avait fait appel à une solution d’abattage mécanisée. Cette prescription pas adaptée a été un fiasco : plus de 200 arbres ont été abattus, une centaine sont tombés dans l'année qui a suivi. L'exploitant ne veut plus reproduire cette technique et c'est pourquoi il fait appel à nous.
Je suis enfant de Rognac et très attaché au marais. Cette lagune se jette dans l’Étang de Berre et nous organisons des balades, ce serait un plaisir de vous emmener, de vous faire découvrir ces marais, à très bientôt !
Les particules appelées PM ont un diamètre exprimé en micron (μm). Les PM 10 mesure environ un 1/6e de cheveu. Aux concentrations auxquelles sont exposées la plupart des populations urbaines et rurales des pays développés et en développement, les particules ont des effets nuisibles sur la santé. L'exposition chronique contribue à augmenter le risque de contracter des maladies cardiovasculaires et respiratoires, ainsi que des cancers pulmonaires. Les effets sur la santé sont dépendants de la taille des particules. Les particules fines, inférieures à 2.5 µm, impactent à long terme la santé cardiovasculaire. Les particules PM2.5 issues du trafic routier altèrent aussi la santé neurologique (performances cognitives) et la santé périnatale.
Mesures des particules fines PM10
Mesures des particules fines PM2.5